Affamée – Une histoire de mon corps

Essai écrit par Roxane Gay, Etats-Unis, 2019

A 12 ans, Roxane Gay est victime d’un viol collectif, organisé par celui qu’elle croit être son petit ami. Pour survivre, elle se met à manger, tout le temps, pour transformer son corps et l’ériger en forteresse inatteignable des hommes. Elle raconte comment elle a souhaité disparaitre, et en même temps comment ce corps transformé est devenu l’objet des critiques permanentes de son entourage, du monde médical et même de parfaits inconnus.

Après Bad Feminist, Roxane Gay revient cette fois sur son parcours personnel. Elle raconte l’histoire de son corps, à partir de laquelle elle analyse le rapport de notre société avec la grosseur : incompréhension, préjugés, dégoût, haine… Un livre important qui rappelle que le combat contre la grossophobie est plus que jamais d’actualité.

Sur ce sujet, on vous conseille aussi l’essai de l’autrice française Gabrielle Deydier : On ne naît pas grosse.

Les couilles sur la table

les couilles sur la table

Essai écrit par Victoire Tuaillon, France, 2019

Pourquoi, dans une écrasante majorité, les harceleurs, agresseurs et violeurs sont des hommes ? Pourquoi, après des décennies de féminisme, les femmes sont toujours soumises à la charge mentale, aux violences, à la domination masculine ?

Pour répondre à toutes ces questions, Victoire Tuaillon anime depuis 2017 un excellent podcast : « Les couilles sur la table ». En 2019, elle a synthétisé dans ce livre l’ensemble des sujets abordés dans le podcast, avec toujours cet angle particulier : la construction de la masculinité et ses conséquences. Un point de vue qui renouvelle la manière d’aborder les inégalités entre femmes et hommes : parce que s’il y a du sexisme, c’est bien qu’il vient de quelque part ! Les couilles sur la table est un livre très accessible et efficace, découpé en grands chapitres thématiques qui s’appuient sur les travaux de dizaines de chercheurs et chercheuses. A lire et à faire lire, notamment aux hommes de votre entourage qui s’intéressent aux questions féministes !

Ne suis-je pas une femme ? Femmes noires et féminisme

ne suis je pas une femme bell hooks

Essai écrit par bell hooks, 1981, Etats-Unis

Dans cet essai, désormais devenu un classique, bell hooks mène une réflexion sur la place des femmes noires dans la société et les luttes pour les droits aux Etats-Unis, en décortiquant les mouvements féministes blancs autant que les mouvements noirs de libération.

Ce qui est sûr, c’est que bell hooks n’épargne personne, des grandes figures (masculines) des mouvements pour les droits civiques aux mouvements féministes. A travers 5 chapitres, elle déroule avec de nombreuses références sa thèse des femmes noires exclues de tous les mouvements (de celui des femmes qui ne concerne finalement que les femmes blanches et de celui des noirs, qui ne comprend que les hommes noirs). Un ouvrage essentiel et éclairant sur l’imbrication entre racisme, sexisme et capitalisme.

Dans l’édition française, l’introduction signée Amandine Gay (réalisatrice du documentaire Ouvrir la voix) est un vrai plus pour avoir des pistes de compréhension du contexte français sur la même question.

Devenir

Autobiographie de Michelle Obama, 2018, Etats-Unis

Michelle Obama raconte son parcours de femme noire américaine, depuis les quartiers périphériques de Chicago jusqu’à la Maison Blanche. Elle raconte comment elle a d’abord mené des études brillantes en droit, avant de se détourner de son début de carrière d’avocate pour une carrière plus en accord avec ses valeurs. Elle raconte aussi, évidemment, les batailles successives pour la présidence des États-Unis, et ce vécu hors-norme, pendant 8 ans, au sommet de l’Etat.

Pendant 800 pages (!), Michelle Obama raconte sa vie peu commune et ses combats. Elle distille des analyses qui font du bien sur le manque de diversité dans les grandes universités ou la ségrégation dans les quartiers, sur son vécu de femme noire. Elle raconte comment elle a jonglé entre l’ambition de son mari, ses envies professionnelles, sa vie personnelle avec ses deux filles. Et puis bien sûr, mais on connaît déjà la fin de l’histoire, elle raconte sa colère face à l’arrivée d’un homme blanc, riche et misogyne au pouvoir à l’issue des 8 années de présidence Obama… Un bel autoportrait d’une femme combative au destin extraordinaire, bien qu’un peu long (on avoue).

Ma vie sur la route

Autobiographie écrite par Gloria Steinem, 2015, Etats-Unis

De son enfance atypique à sa vie de community organizer, Gloria Steinem revient sur les grands moments de sa vie et de celle des Etats-Unis, en gardant en fil rouge les rencontres faites tout au long de son parcours.

Quoi de plus intéressant que la vie par elle-même d’une des grandes figures féministes américaines ? C’est un superbe récit (et voyage !) que nous propose Gloria Steinem. Le récit est découpé en grands chapitres thématiques (pas forcément chronologiques) qui reviennent à la fois sur la grande Histoire des Etats-Unis, qu’elle a vécu et parfois contribué à façonner, et sur son histoire personnelle. La « route » dont elle parle est constituée des nombreux voyages professionnels et militants aux Etats-Unis et à l’international, mais également de son parcours intellectuel, évolutif au fil des rencontres. Un récit qui permet de mieux comprendre les enjeux et les combats féministes de ces 60 dernières années aux Etats-Unis, qu’on retrouve par exemple dans la série Mrs. America ou dans le documentaire Roe v. Wade : La véritable histoire de l’avortement.

Petit manuel antiraciste et féministe

Essai écrit par Djamila Ribeiro, 2020, Brésil

La philosophe et militante brésilienne Djamila Ribeiro propose ici un manuel, très accessible, dont l’objectif est le suivant : adopter des pratiques antiracistes et féministes pour faire changer la société !

En 10 chapitres de quelques pages chacun, elle expose des stratégies concrètes, ancrées dans le contexte brésilien mais duplicables partout. Cette version française, par les éditions Anacaona, est introduite par l’autrice féministe Françoise Vergès… et se conclue par une bibliographie franco-brésilienne très complète !

Aux mêmes éditions, découvrez aussi Gaia changera le monde, 1492, Anacaona l’insurgée des Caraïbes, L’histoire de Poncia et Insoumises.

Chinoises

Chinoises de Xinran

Recueil biographique écrit par Xinran, 2003, Royaume-Uni, Chine

Elles sont jeunes, vieilles, riches, pauvres, malades, amoureuses, travailleuses… Elles racontent leurs vies, leurs souffrances, les violences subies, ce qui les rend heureuses aussi.

Entre 1989 et 1997, la journaliste Xinran a présenté chaque soir une émission de radio mettant en avant les vies des femmes chinoises. Elle a écouté, lu et rencontré des centaines d’entre elles. De ces témoignages, elle a écrit ce livre puissant. Accrochez-vous !

Libération des femmes : 40 ans de mouvement 

Essai historique écrit par Françoise Picq, France, 2011

Le 26 août 1970, 9 femmes déposaient une gerbe à l’Arc de Triomphe : “il y a plus inconnu encore que le soldat inconnu : sa femme”. Elles donnaient alors le coup d’envoi d’actions militantes revendiquées par le MLF, le mouvement de libération des femmes.

Dans cet ouvrage de plus de 500 pages, la militante et historienne Françoise Picq décortique les “années mouvement” qui ont suivi. Elle détaille avec une grande précision les années 1970, évoque les nombreuses actions militantes, publications, débats… des féministes d’alors. Elle évoque aussi les conflits qui ont secoué le mouvement, particulièrement entre féministes dites “universalistes” et féministes “différentialistes” (jusqu’au dépôt du nom “MLF” par une fraction de militantes différentialistes, actant la rupture). Elle décrit ensuite le déclin du militantisme avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, puis les débats plus récents (voile, prostitution, parité) et l’arrivée de nouvelles structures militantes dans les années 1990 et 2000 (Mix-Cité, Ni putes ni soumises, Les chiennes de garde…). Elle-même militante, Françoise Picq a vécu de l’intérieur ces “années mouvement”, ce qui fait la force du livre… mais crée aussi une histoire très partisane. On le voit en particulier avec l’évocation des conflits entre féministes hétérosexuelles et lesbiennes radicales : certes évoqués, ces conflits le sont clairement du point de vue d’une militante hétéro, les lesbiennes ont souvent tous les torts… Pour d’autres points de vue, on vous conseille la lecture de Mouvement des lesbiennes, lesbiennes dans le mouvement.

Le consentement

Livre de Vanessa Springora, France, 2020

En 1986, Vanessa a 13 ans quand elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain de 50 ans. La jeune fille a vécu une enfance chaotique, son désir de plaire et d’être aimée sont forts. L’écrivain prédateur, habitué à la mise sous emprise d’adolescentes, le sait très bien. La suite est donc inévitable : une “relation” de près d’un an commence, en parallèle de son acceptation terrifiante par les proches de Vanessa et par la société toute entière (des intellectuel.le.s reconnu.e.s ont à l’époque signé des tribunes réclamant la décriminalisation des relations sexuelles entre adultes et enfants de moins de 15 ans).

Le consentement, c’est le roman témoignage édifiant d’une femme extrêmement courageuse. Plus de 20 ans après les faits, Vanessa Springora raconte son enfance, la mise sous emprise par cet homme puissant, sa “déprise” progressive (quelle force !!) et enfin “l’empreinte” violente et douloureuse que laissera cette “relation” avec un pédocriminel, qui nécessitera un très long processus de reconstruction. L’autrice dénonce la complaisance des milieux littéraires et artistiques français ainsi que de certains médias. Surtout, elle interroge la notion de “consentement” : peut-on vraiment être consentante quand on a seulement 13 ans ? Pour rappel, la loi française n’a elle-même pas tranché cette question, puisque la dernière tentative d’instaurer un seuil d’âge en-dessous duquel les mineur.e.s seraient présumé.e.s ne jamais consentir à un rapport sexuel avec un.e majeur.e a échoué.

Se dire lesbienne. Vie de couple, sexualités, représentation de soi

Essai écrit par Natacha Chetcuti, 2010, France

Natacha Chetcuti, sociologue, écrit un essai novateur et pionnier, qui décrit des parcours lesbiens en s’appuyant sur des récits de femmes rencontrées dans des groupes militants ou des lieux de socialisation en France. Elle décrit notamment 3 parcours lesbiens : les parcours exclusifs (des femmes qui n’ont jamais relationné avec des hommes), les parcours simultanés (des femmes qui ont démarré leur vie sexuelle avec des femmes et des hommes dans une même période avant de ne vivre des relations qu’avec des femmes), et les parcours progressifs (largement majoritaires, dans lesquels des femmes ont d’abord eu des relations exclusivement avec des hommes avant de se tourner vers le lesbanisme).

Cet ouvrage est important dans l’histoire récente du lesbianisme… mais il est déjà assez daté : les lieux de socialisation décrits, notamment, n’existent plus ou ont beaucoup changé (coucou internet). Autre critique : l’insistance de l’autrice sur certaines identités (butch/fem) et certaines pratiques sexuelles (pénétration, sadomasochisme), alors qu’elle dit elle-même qu’elles concernent peu les femmes interrogées pendant son enquête. Au contraire, les enquêtées indiquent plutôt que le lesbianisme leur permet de gommer les catégories de genre et les pratiques marquées par l’hétérosexisme. Bref, des choses à prendre et d’autres à laisser, selon votre propre sensibilité !