Le chemin de Jada

le chemin de jada

Album jeunesse écrit par Laura Nsafou et illustré par Barbara Brun, France, 2020

Iris et Jada sont soeurs jumelles. Elles se ressemblent en tous points… sauf concernant leur couleur de peau : Iris est “claire comme l’acacia”, Jada est “foncée comme le cacao”. Au village, tout le monde complimente Iris. Moquée, Jada décide alors de partir à la recherche des “Enfants de la nuit” auxquels elle est sans cesse comparée.

Après Comme un million de papillons noirs, l’autrice afroféministe Laura Nsafou (Mrs Roots) et l’illustratrice Barbara Brun publient un second album jeunesse important pour la représentation de toutes et tous. Le chemin de Jada aborde en particulier le colorisme, cette discrimination issue du racisme qui consiste à privilégier les personnes à la peau claire. Pourtant, Jada est belle, comme le confirment les étoiles ! Une tendre et poétique histoire d’estime de soi et de sororité, à lire et offrir aux enfants de votre entourage !

La voix d’une femme qui espère

Recueil de nouvelles écrites par Alima Madina, 2014, République du Congo

Lili est poussée par toute sa famille à abandonner l’enfant albinos qu’elle vient de mettre au monde. Une jeune femme apprend qu’elle va être mariée de force. Aka, une infirmière pygmée, connaît une ascension sociale fulgurante en rencontrant un infirmier blanc. Rama est abandonnée enceinte par le père de son enfant, qui refait surface lorsque celui-ci atteint ses 18 ans…

Hymne à l’émancipation des femmes, ce recueil de 5 nouvelles est une chouette découverte ! L’autrice nous emmène à la rencontre de femmes congolaises qui se heurtent à de nombreux obstacles. Elle nous parle d’amour maternel, de religion, de discriminations…

Le jardin arc-en-ciel

Roman écrit par Ogawa Ito, 2016, Japon

Izumi, mère célibataire, rencontre Chikoyo, lycéenne, et l’empêche de se jeter sous un train. Les jours d’après, elles continuent à se voir et finissent par faire l’amour. Tout change alors et elles décident de partir hors de la ville, avec le fils d’Izumi, pour repartir de zéro et construire ensemble leur famille, leur amour et leurs projets.

Le jardin arc-en-ciel est une utopie lesbienne. Voilà comment, en deux mots, il est possible de décrire ce roman surprenant, émouvant et parfois bouleversant. On suit la relation et les évolutions de cette famille lesboparentale sur plus de 20 ans, avec le point de vue de chacun.e des 4 personnages qui prennent la narration les un.e.s après les autres. Un coup de cœur à conseiller absolument !

Ito Ogawa est également autrice du Restaurant de l’amour retrouvé, La Papeterie Tsubaki et de sa suite, La République du bonheur.

Se dire lesbienne. Vie de couple, sexualités, représentation de soi

Essai écrit par Natacha Chetcuti, 2010, France

Natacha Chetcuti, sociologue, écrit un essai novateur et pionnier, qui décrit des parcours lesbiens en s’appuyant sur des récits de femmes rencontrées dans des groupes militants ou des lieux de socialisation en France. Elle décrit notamment 3 parcours lesbiens : les parcours exclusifs (des femmes qui n’ont jamais relationné avec des hommes), les parcours simultanés (des femmes qui ont démarré leur vie sexuelle avec des femmes et des hommes dans une même période avant de ne vivre des relations qu’avec des femmes), et les parcours progressifs (largement majoritaires, dans lesquels des femmes ont d’abord eu des relations exclusivement avec des hommes avant de se tourner vers le lesbanisme).

Cet ouvrage est important dans l’histoire récente du lesbianisme… mais il est déjà assez daté : les lieux de socialisation décrits, notamment, n’existent plus ou ont beaucoup changé (coucou internet). Autre critique : l’insistance de l’autrice sur certaines identités (butch/fem) et certaines pratiques sexuelles (pénétration, sadomasochisme), alors qu’elle dit elle-même qu’elles concernent peu les femmes interrogées pendant son enquête. Au contraire, les enquêtées indiquent plutôt que le lesbianisme leur permet de gommer les catégories de genre et les pratiques marquées par l’hétérosexisme. Bref, des choses à prendre et d’autres à laisser, selon votre propre sensibilité !

À la croisée des mondes

Trilogie de romans écrite par Philip Pullman, 1995-2000, Royaume-Uni

Lyra est une adolescente effrontée et aventurière, qui vit dans la très solennelle Université d’Oxford, dans un monde qui ressemble beaucoup au nôtre. Dans ce monde, les humain.e.s sont accompagné.e.s d’un daemon, une partie d’eux-mêmes incarnés sous forme d’un animal. Mais un jour, le meilleur ami de Lyra est enlevé par les Enfourneurs… La jeune fille part à sa recherche, aidée par une communauté de Gitans qui ont également vu disparaître plusieurs de leurs enfants. Débute alors une série d’aventures dans le monde de Lyra… et dans d’autres. On y croisera notamment des ours géants en armures, des sorcières et des spectres mangeurs d’âmes !

L’univers d’À la croisée des mondes est extrêmement riche, les personnages sont complexes (surtout l’héroïne), l’histoire aborde la religion, le pouvoir, le passage à l’âge adulte… Il s’agit d’un récit initiatique intemporel, à lire à l’adolescence, au début de sa vie d’adulte ou plus tard, avec un regard et une compréhension différentes à chaque fois. Et si l’univers vous a convaincu.e, l’auteur a également écrit deux courts récits, Lyra et les oiseaux et Il était une fois dans le nord, ainsi qu’un préquel. Après un film qui a déçu son public, une nouvelle adaptation, cette fois en série, est disponible (et fort réussie) sous le titre en anglais His Dark Materials. Une adaptation en bande dessinée existe également.

Les dames de Kimoto

Roman écrit par Sawako Ariyoshi, 1959, Japon

A 20 ans, Hana se prépare à épouser un homme qu’elle n’a vu qu’une seule fois… et donc à quitter Toyono, sa grand-mère adorée qui l’a élevée et lui a transmis les traditions ancestrales. Pourtant, le monde est en pleine mutation… et ce sera d’autant plus criant quand Fumio, la fille d’Hana, se rebellera contre les traditions.

Écrit en 1959, Les dames de Kimoto est un récit prenant sur 4 générations de femmes, de la grand-mère Toyono à la petite fille Hanako, avec Hana comme figure centrale, comme fil rouge du roman. De la fin du XIXème siècle à la moitié du XXème siècle, Sawako Ariyoshi dépeint l’évolution de la condition des femmes japonaises et les rapports entre générations, entre tradition et modernité. Un petit regret : quelques coquilles émaillent le récit, et la traduction est peut-être un peu datée.

La femme gelée

Roman écrit par Annie Ernaux, 1981, France

Fille de commerçants, Annie grandit dans un environnement atypique : sa mère travaille et fait le ménage quand elle a le temps (c’est-à-dire pas souvent), son père tient un café, fait la cuisine et la vaisselle… à l’inverse du modèle dominant. Sa mère la pousse à étudier, elle rêve de liberté. Puis elle se marie. Et là, c’est le drame : monsieur travaille, il réclame des enfants sages, une maison propre et bien rangée, il veut mettre les pieds sous la table en rentrant et manger des bons petits plats.

Écrit en 1981, ce roman autobiographique est vibrant d’actualité. En le lisant, on pense éducation stéréotypée, charge mentale, partage des tâches domestiques, conciliation vie pro / vie perso… et on se rappelle qu’il y a encore du boulot ! Annie Ernaux, qui cite Simone de Beauvoir et Virginia Woolf, décrit comment la société conditionne les filles et les garçons, les femmes et les hommes. Comment, même en ayant des idéaux égalitaires, le couple hétérosexuel et les enfants ramènent les femmes à un modèle figé, “gelé”. On l’a lu juste avant La condition pavillonnaire de Sophie Divry, et on vous conseille cet enchaînement ! On vous conseille aussi 2 autres romans écrits par Annie Ernaux : L’événement et Les années.

La Passe-miroir

Série de 4 romans écrits par Christelle Dabos, 2013-2019, France

Ophélie vit sur Anima, une “arche” (une sorte d’île suspendue dans le ciel) avec sa famille. La jeune femme est dotée de pouvoirs : elle peut “lire” l’histoire des objets qu’elle touche, et voyager à travers les miroirs ! Mais un jour, elle apprend qu’elle doit se marier avec un inconnu, qui vit sur une autre arche…

Les 4 tomes de La Passe-miroir (Les Fiancés de l’hiver, Les Disparus du Clairdelune, La Mémoire de Babel, La Tempête des échos) se dévorent, tout simplement ! Si vous aimez les romans de fantasy pour jeunes adultes, foncez sans hésiter. L’héroïne est attachante et forte, l’univers est intrigant, avec de nombreux personnages très divers, l’intrigue est politique, sociale (coucou les rapports de classe et de sexe)… Bon, il faut passer outre ce mariage “arrangé-forcé” avec un homme glacial et vraiment pas sympa, qui termine (honnêtement ce n’est pas un spoiler) en histoire d’amour (parce que c’est connu, les “bad boys” sont les meilleurs amoureux… non).

Filles de la mer

Roman écrit par Mary Lynn Bracht, 2018, États-Unis, Corée du sud

Dans les années 1940, sur l’île de Jeju, Hana apprend avec sa mère le métier des Haenyeo, les pêcheuses de coquillages connues comme d’excellentes plongeuses en apnée, tandis que sa petite soeur, Emi, l’attend sur le rivage. Un jour, pour sauver Emi, Hana se laisse enlever par les soldats japonais. Le récit alterne celui d’Hana, en 1943, réduite en esclave sexuelle par l’armée japonaise, et celui d’Emi, en 2011, fouillant dans sa mémoire à la fin de sa vie, à la recherche de cette soeur perdue depuis longtemps.

Fille de la mer est un roman poignant, qui bouleverse, prend au corps et vous fait même verser quelques larmes. La narration croisée entre les deux soeurs à des époques différentes est très bien ficelée, entre l’horreur d’Hana qu’on suit, déportée, violée et violentée, de Corée jusqu’en Mandchourie, et le tabou qui reste au sein de la société coréenne des dizaines années plus tard, du point de vue d’Emi. Si c’est un pan de l’histoire que vous ne connaissez pas encore (sujet également connu sous le terme de “femmes de réconfort”, expression que nous n’utilisons pas volontairement car elle masque la vérité : l’esclavage sexuel de dizaines de milliers de femmes, notamment coréennes mais pas seulement, par l’armée japonaise au milieu du XXème siècle), cette fiction est une bonne entrée. A lire en ayant le cœur bien accroché.

Bad feminist

Essai écrit par Roxane Gay, 2014, États-Unis

Pop culture, violences sexistes et sexuelles, sororité, racisme et politique, Roxane Gay aborde dans son essai de nombreux sujets avec un fil conducteur : comment accepter de ne pas être une féministe parfaite et assumer ses contradictions.

L’autrice détricote, avec brio et clarté, des hits de la pop culture : spectacles d’humour absolument sexistes, chansons incitant au viol dont tout le monde connait le refrain, films plus ou moins connus comme La couleur des sentiments et Django Enchained. Il s’agit d’un essai facile à lire, qui balaie plein de sujets clés ! Seul bémol, si vous avez l’habitude de lire des textes théoriques féministes, vous resterez peut-être sur votre faim : on aurait aimé que l’autrice finisse par trancher ou qu’elle aille parfois un peu plus loin.

Roxane Gay a aussi écrit Affamée – Une histoire de mon corps.