Hana no breath

Hana no Breath

Manga écrit et dessiné par Cali, 2017, France

Azami, lycéenne, est folle amoureuse de Gwen, avec qui elle rêve de sortir. Quand elle s’en rapproche et découvre que Gwen est en réalité une fille… passée la surprise, ses sentiments ne changent pas !

Hana no breath, série en 2 tomes (la première de l’autrice), est une histoire toute douce. Les thèmes de la découverte des premiers sentiments amoureux et du lesbianisme (qui n’est pas vraiment formulé tel quel) sont évoqués, ainsi que la difficulté d’être une jeune femme et de se rendre compte en grandissant que certaines possibilités se réduisent. On regrette un peu que beaucoup de rebondissements soient issus de rivalités entre jeunes filles. A part ça, ça reste un manga mignon et assez chouette !

Nous sommes l’eau

Nous sommes l'eau

Roman écrit par Wally Lamb, 2014, Etats-Unis

Annie, la cinquantaine, est sur le point de se marier avec Viveca. Alors que les préparatifs du mariage s’accélèrent, son ex-mari Orion et leurs trois enfants Ariane, Andrew et Marissa, ruminent et s’interrogent sur ce qui a été leur famille. De son côté, Annie est pleine de doutes et lourde de secrets qu’elle n’a jamais révélé.

Nous sommes l’eau a pour personnage centrale une cinquantenaire, devenue artiste et lesbienne sur le tard, et dont la colère et la douleur intérieures se ressentent à chaque page. Deuil, enfance maltraitée, inceste, pauvreté et différences de classe sociale, reconnaissance du lesbianisme et religion, tant de sujets contemporains sont évoqués. Le roman est découpé en chapitres qui donnent la narration à chacun des personnages à tour de rôle. Ces points de vue multiples sont assez intéressants pour voir l’impact qu’ont les secrets de famille et les violences sur ses différents membres. Cependant, l’auteur reste un homme et les chapitres racontés par des personnages masculins sont assez particuliers : l’auteur veut-il nous rendre les personnages masculins sympathiques malgré leurs faits de violence ou est-ce que justement, l’écriture est suffisamment subtile pour que les lectrices et lecteurs n’entrent jamais complètement en empathie avec eux ? Dommage également que le mot de la fin de soit pas donné à Annie mais à son ex-mari. On vous laisse lire et vous faire votre propre avis.

Quatre soeurs

Quatre soeurs BD

Série de bandes dessinées écrite et dessinée par Cati Baur, 2011-2018, France, adaptés des romans de Malika Ferdoujkh

Les soeurs Verdelaine sont orphelines depuis peu et habitent la grande et vieille maison Vill’Hervé que Charlie, l’aînée, retape jour après jour. Geneviève, elle, se défoule en secret au cours de boxe. Bettina traine avec sa bande de copines. Hortense a toujours le nez plongé dans ses livres et Enid, la dernière, vit d’incroyables aventures avec ses amies, la chauve souris et l’écureuil.

Après la série de romans jeunesse à succès, voilà les bandes dessinées ! Celles-ci sont très fidèles au texte et à l’univers d’origine (ce qui peut être presque décevant). Le parti-pris graphique est assez chouette et s’accorde bien avec le ton de l’histoire. Une BD sympathique à lire que vous soyez ado ou pas.

Petite terrienne

Petite terrienne

Bande dessinée écrite et dessinée par Aisha Franz, 2012, Allemagne

Dans une petite ville allemande, une adolescente fait la découverte de sa sexualité. Sa soeur plus jeune s’interroge naïvement sur le même sujet avec une étrange créature, tandis que leur mère sombre dans les souvenirs et la dépression.

Attention ovni ! Petite terrienne est une bande dessinée très (très !) étrange, avec un style plutôt original (tout est dessiné au crayon à papier). On suit ici le quotidien sur quelques jours de trois femmes de la même famille, une mère et ses deux filles. Toutes les trois isolées les unes des autres, elles semblent vivre sous le même toit sans le savoir et c’est très déroutant. Certaines scènes sont très dérangeantes et la « créature » (extra-terrestre ? Comme pourrait le faire penser le titre original « Alien ») est assez effrayante. Une BD à ne pas mettre entre toutes les mains et qui vous saura vous plaire… ou pas.

Moi aussi

Moi aussi manga

Manga écrit et dessiné par Momochi Reiko, 2018, Japon

Satsuki Yamaguchi est une jeune femme qui travaille en intérim dans une entreprise de taille moyenne. Bien intégrée et investie dans son travail, elle est prise pour cible par un de ses supérieurs qui commence à la harceler sexuellement.

Après les essais et les romans, voilà un manga qui s’inscrit dans l’ère #MeToo ! Moi aussi décrit de façon très claire l’emprise de l’agresseur et le piège qui se referme sur l’héroïne, isolée. Au fil des pages, l’autrice montre également de manière très réaliste la peur de l’héroïne, ses doutes, ses inquiétudes et le traumatisme qu’a créé ce harcèlement. On aime qu’elle se tourne vers une association de femmes, preuve qu’un soutien et que des solutions existent. Moi aussi est basé sur l’histoire vraie de Kaori Sato, la première femme a avoir élevé la voix contre le harcèlement sexuel en entreprise au Japon.

Momochi Reiko est aussi autrice de la série Daisy, Lycéennes à Fukushima.

Pour un autre récit de femme japonaise qui lutte contre la société patriarcale, on vous conseille le texte de Shiori Ito, La Boîte noire.

Le génie lesbien

Essai écrit par Alice Coffin, France, 2020

« Qu’ils dégagent. Qu’ils laissent leur place. Ils sèment le malheur. Nous voulons la joie. Être lesbienne est une fête. Ils ne la gâcheront pas. »

Dans cet essai à la fois intimiste et profondément politique, Alice Coffin raconte son parcours de lesbienne féministe. Elle parle de l’invisibilisation des lesbiennes dans les arts et les médias, elle évoque l’absence criante de modèles qui l’a empêchée (comme tant d’entre nous !) de se réaliser lesbienne plus tôt. Elle raconte son parcours de militante, indissociable de son métier de journaliste… ce qui pourtant est loin d’être compris en France : les médias réclament de leurs journalistes une « objectivité », qui est bien souvent synonyme de masculin blanc hétéro. Alice Coffin, elle, revendique un journalisme militant, pour que cessent enfin les tribunes, articles ou titres sexistes, racistes, homophobes, lesbophobes. Elle parle de prioriser les femmes, ce qui a provoqué un scandale sur les réseaux sociaux à la sortie du livre, alors que l’entre-soi masculin existe depuis des centaines d’années sans que personne ne parle de « communautarisme » ! Et puis ce titre génial, le « génie lesbien ». L’autrice rappelle que les lesbiennes sont certes invisibles, mais sont aussi partout, même dans les combats qui ne les concernent pas directement : elles ont été en première ligne des combats pour le droit à l’avortement et à la contraception dans les années 70, elles ont activement participé à la lutte contre le sida ou plus récemment au mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis.

Les incroyables aventures des soeurs Shergill

Les incroyables aventures soeurs shergill

Roman écrit par Balli Kaur Jaswal, 2020, Royaume-Uni, Inde

Sur son lit d’hôpital, avant de mourir, Sita écrit une lettre pour ses filles : elle souhaite qu’elles effectuent un pèlerinage en Inde après sa mort. Quelques mois plus tard, Rajni, Jezmeen et Shirina se retrouvent effectivement en Inde… et tout ne se passe pas comme prévu.

Voilà un roman qui mêle habilement le voyage, la sororité et le deuil. Dans ce voyage qu’elles sont obligées de faire ensemble, ces trois sœurs, très différentes par leur personnalité et leur style de vie, vont devoir réapprendre à vivre ensemble et à échanger leurs secrets depuis trop longtemps dissimulés. Les trois héroïnes sont attachantes et on tourne facilement les pages les unes après les autres pour enfin découvrir quels sont tous leurs secrets et savoir quand et comment ces trois sœurs vont enfin se rabibocher. En plus, sans en avoir l’air, le récit aborde des sujets résolument féministes. Un coup de cœur !

Une farouche liberté

Essai autobiographique, Gisèle Halimi avec Annick Cojean, France, 2020

Gisèle Halimi raconte ses combats, depuis son enfance où elle mesurait déjà l’injustice d’être née fille. Elle revient sur les procès emblématiques de sa vie d’avocate : celui de Djamila Boupacha, les procès de Bobigny et d’Aix-en-Provence. Elle évoque sa vie politique et les frustrations qui sont allées avec. Elle aussi parle de ses proches militant.e.s ou artistes engagé.e.s. 

Quelques mois seulement avant son décès, la formidable Gisèle Halimi a répondu aux questions de la journaliste Annick Cojean. On la sent toujours aussi engagée, elle transmet dans l’écriture une force incroyable et on a envie de lancer la révolution qu’elle appelle de ses voeux ! Dans les dernières pages, elle donne des conseils aux prochaines générations de femmes : être indépendantes économiquement, refuser les injonctions à la maternité… et puis surtout : se dire féministe ! 

Gisèle Halimi a aussi écrit (entre autres !) Ne vous résignez jamais.

Le regard féminin – Une révolution à l’écran

Essai écrit par Iris Brey, France, 2020

Après Sex and the series, Iris Brey propose un nouvel essai très documenté, accessible, bien qu’émaillé de termes techniques liés au monde du cinéma et de la psychanalyse. Elle y théorise le “female gaze”, ou regard féminin, cette manière révolutionnaire de filmer les femmes sans en faire des objets, en permettant aux spectateurs et spectatrices de partager leurs expériences féminines. Loin d’être un simple miroir du “male gaze”, elle explique en quoi le “female gaze” introduit une révolution dans le cinéma, renversant l’ordre patriarcal. Elle cite Portrait de la jeune fille en feu, Cléo de 5 à 7, The L Word, Unbelievable… Certains autres exemples de regard féminin sont particulièrement déstabilisants, notamment quand elle analyse l’entrée en scène de Wonder Woman dans le film du même nom (alors que son justaucorps et ses talons nous ont amenées à le définir comme un film “male gaze”), ou plus encore le film Elle de Paul Verhoeven, à l’intrigue très dérangeante (pour faire court, une femme qui tombe amoureuse de son violeur). On adhère ou on n’adhère pas à tous ses exemples : en tous cas, Iris Brey propose un changement de regard qui marque et impacte durablement la manière de voir les productions cinématographiques !

Chavirer

Roman écrit par Lola Lafon, France, 2020

En 1984, Cléo a 13 ans et aspire à devenir danseuse. Alors, quand elle rencontre une mystérieuse femme qui lui promet une bourse et la notoriété, elle saute à pieds joints dans le piège. Un piège, car Cléo est embarquée dans un réseau de proxénétisme infantile, qui la brise. 

Ce roman n’est pas à mettre entre toutes les mains. Lola Lafon aborde frontalement les violences sexuelles dans un roman qui parle d’emprise, de viols d’enfants, de traumatisme, de culpabilité. Par son récit et son écriture si prenants, elle déclenche des émotions intenses. Chaque chapitre permet de découvrir un morceau de l’histoire de Cléo (et de Betty, une autre très jeune fille piégée de la même manière), depuis les yeux d’une personne qui les a connues : la colocataire-amante, l’habilleuse attentionnée… L’autrice rend aussi un bel hommage au monde de la danse. 

Un roman qui fait écho au Consentement de Vanessa Springora et à La petite fille sur la banquise d’Adélaïde Bon.